(Journal du 18.X.2024) En l’honneur des femmes, de leurs seins, des tumeurs et d’Octobre Rose, il fallait venir au dicastère aujourd’hui avec sur soi une pièce de vêtement ou un accessoire de couleur rose. J’espère que Simos ne tombera pas sur cette page car ce fut pour moi l’occasion de mettre mes baskets de cette couleur, rose pâle, véritablement roses, comme la rose, et que j’aime beaucoup. Comme nous étions vendredi, je portais également un sweat à capuche de couleur verte, d’un vert bien vif et acide, comme une pomme. Le beau Calliste ayant en effet pour habitude de porter des T-shirts fantaisie (il ne faut décidément pas que Simos lise cela !), c’est devenu une sorte de tradition parmi certaines filles des services du catégore, qui est d’ailleurs depuis peu une catégore, de porter de ces sortes de vêtements, ce que je ne fais guère pour ma part (sauf à l’anniversaire de Calliste, où c’est tout le dicastère qui s’habille ainsi), parce que je n’aime pas montrer mes coudes, qui sont tout fripés, et qui, de dos, me donnent l’air d’un homme de quatre-vingt dix ans passés. Or je me suis amusé, vendredi dernier, à venir avec un sweat à capuche mauve. J’avais préparé ma réplique pour répondre aux questions inspirées par la surprise de me voir ainsi vêtu : « Mais, c’est la journée sweat à capuche aujourd’hui, non ? — Mais non, voyons ! C’est la journée T-shirt ! Qu’il est bête, cet Antire ! » Grands éclats de rire. Grand succès. Et donc, aujourd’hui, j’ai voulu renouveler l’expérience, parce que je savais que ce vert qui attire l’attention se ferait plus remarquer que le rose de mes baskets, moins dans l’axe des regards. J’avais également préparé ma réplique, pour répondre aux mécontentes de ne pas me voir respecter le dress code de la journée : « Ça n’est pas la journée Nature et Écologie ? — Mais pas du tout ! C’est la journée Octobre Rose ! Ah ! ah ! ah ! » Ce fut un triomphe, d’autant que tout le monde tomba d’accord pour trouver que le rose allait très bien avec le vert, et que j’en étais encore rajeuni. Si j’aime les hoodies, c’est surtout pour la variété de leurs couleurs. Grâce à mes petits scenarii, je puis m’autoriser à les porter, mais au second degré ; ainsi, l’honneur est sauf. Je prends un grand plaisir à ces futilités. C’est mon côté féminin ! (Après tout, j’ai été élevé par des femmes.) Ces futilités me donnent l’impression d’être quelqu’un de normal. Je crois qu’il y a toujours une part de soi qui voudrait être de son temps, qui voudrait l’accepter pour en être accepté, qui est donc toute prête à l’aimer, qui aspire de bonne grâce à la ruine qu’il implique, qui veut bien faire (très volontiers même) son deuil de la beauté, et qui sourit à l’avènement de la laideur. Ces frivolités font surtout partie du personnage que je compose pour dissimuler la nature de la véritable personne qui se trouve derrière le masque, assumant une petite part d’originalité pour en cacher la plus grande part de déviance, contredisant gentiment l’ordre des petites choses comme elles vont, pour ne pas laisser paraître tout ce que je trouve au cours du monde de méchanceté ; de cruauté au cœur des hommes.
18.X.2024
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