Ballade d’Antigone
Pauvre Antigone, ô ma dame de Thèbes,
Qui fus enfant dans les infernaux bains,
Si tu devais revenir de l’Erèbe,
Tu trouverais le royaume thébain
Conquis par l’épigone et par l’aubain.
Dans un tombeau repose Polynice,
Ce renégat, de l’ennemi complice ;
Ton autre frère est tombé de son socle :
Il gît, abandonné d’Athéna Nice,
Et n’a pour le chanter aucun Sophocle.
De noirs corbeaux font à son corps d’éphèbe
L’outrage odieux d’un indécent festin.
Verser sur son cadavre un peu de glèbe,
Pour rendre au mort l’office clandestin,
Tel serait or de sa sœur le destin.
Tu tomberais aux mains de la police
Et connaîtrais de Créon la justice !
Ainsi fait-on à qui veut d’Etéocle
Faire un tombeau : il est mis au supplice
Et n’a pour le chanter aucun Sophocle.
Dans la cité grossit tout une plèbe
De Béotiens vaincus et d’esprits vains.
C’est une mer qui jamais n’est à l’èbe.
Du bataillon sacré, il n’est pas vingt
Garçons encore. On chercherait en vain
L’Hémon qui te suivrait dans l’édifice
D’Hadès : la vie offre trop de délices,
Et l’on craindrait de casser ses binocles !
L’homme aujourd’hui veut mourir à l’hospice
Et n’a pour le chanter aucun Sophocle.
Dame Antigone, ô notre impératrice,
Sais-tu s’il est encore, entrant en lice,
Mais ignoré de tous, un fier Patrocle,
Qui ose aller au-devant des sévices
Et n’a pour le chanter aucun Sophocle ?
24.XI.2019
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