Journal du 09.X.2024 : HORTVS ADONIDIS

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(Journal du 09.X.2024) Je ne sais pourquoi quelque chose me tracasse, pourquoi la conscience m’est mauvaise, depuis que j’écrivis il y a quelques jours pour les Nuits Argiennes une note (et même une apostille) au sujet de l’État de droit. Et trouver hier soir dans Cancer, le journal de Renaud Camus pour l’année 2023, une référence « au prétendu ‘‘État de droit’’ » (page 204) ne fait qu’aggraver mon malaise. Quand l’événement majeur est la conquête d’un pays, peut-on bien se soucier autant que je semble le faire de l’état dans lequel se trouve l’État de droit ? Et d’ailleurs, en ai-je tellement le souci ? La vérité est qu’en écrivant cette note, j’étais d’abord animé par la mauvaise humeur dans laquelle me plonge la chaîne de télévision que je regarde parfois pour me tenir informé, depuis l’Argolide, des affaires de la France. Me met particulièrement hors de moi telle émission dont les débats très décousus me font invariablement penser aux propos de comptoir d’un bar PMU. Je crois d’ailleurs que le ‘‘tenancier’’ est un ancien journaliste sportif. Et donc, l’autre jour, à force d’écouter tous ces piliers, je m’étais laissé entraîner à mon tour à des considérations qui semblent, comme dit Camus, « se dérouler dans un rêve, dans une bulle, dans un espace totalement abstrait, n’importe où hors du monde, et certainement hors du nôtre, de la réalité du nôtre*. » Car enfin, quel État de droit ? Que reste-t-il de la liberté, si l’on ne peut plus rien dire, comme ne cesse de le répéter le patron du café des sports dont je parlais à l’instant ? Je viens juste de lire ce titre, par exemple, je ne sais plus où : « Mathieu Kassovitz dérape sur la pollution à l’antenne de France Inter, l’Arcom saisie » ! Je ne sais pas ce qu’a pu dire ce mauvais conducteur… Probablement n’était-ce pas très intelligent. Mais être un sot est-il donc si répréhensible ? Et moi, est-ce que je saisis l’Académie française dès qu’une phrase va contre la règle de grammaire, comme font les gardiens de la pensée orthodoxe à l’encontre de ceux qui s’en éloignent ? (En réalité, je rêve d’une tyrannie des Quarante ! Sous leur dictature, le solécisme serait un crime capital ! Tout homme dont la langue ne serait pas châtiée mériterait le châtiment suprême. Ce serait une mesure d’écologie en même temps que de purisme : car, soucieuse à la fois du respect de la Terre Mère et de la grammaire (qu’on a presque envie de prononcer Grand-Mère en cette occasion), elle aiderait à purifier l’air en épurant la langue, puisque, à l’évidence, la nature et la culture ont pour commune menace la surpopulation ; et très nombreux sont ceux qui encourraient cette peine ainsi doublement salutaire !) Mais pour en revenir à ‘‘l’État de droit’’, ne sert-il pas plutôt, dans sa forme actuelle, à museler ceux qui s’aperçoivent trop de ce qui survient et qui, surtout, ont le front de le dire ouvertement ? Et si encore ce n’était que cela ! Mais ‘‘l’État de droit’’ semble bien organiser (comme système) et légitimer (comme principe dévoyé) l’horreur du crime en cours de perpétration, et que je n’ose nommer, de peur de subir les conséquences d’une telle audace ! D’un autre côté, le jour où les victimes de ce crime se décideraient à le combattre enfin, ne devraient-elles pas respecter le plus rigoureusement, le plus religieusement, les principes fondamentaux, qui sont bien intangibles et sacrés, comme celui de l’État de droit, pour ne pas tomber dans une barbarie égale en violence à celle qu’il s’agirait de combattre ? Je ne sais que penser exactement sur ce sujet. Je me demande d’ailleurs parfois pourquoi j’écris, puisque je n’ai pas vraiment de pensée propre, trop mouvante qu’elle est, trop incertaine, et si encline à tomber d’accord successivement avec des arguments incompatibles mais bien tournés… En revanche, je sais ce que j’entends. Et quand j’entends parler certains piliers des comptoirs de la chaîne de télé qu’il m’arrive de regarder, ce que j’entrevois clairement (notamment à travers la langue, qui est si maltraitée), c’est une pure barbarie, et qui ne demande qu’à se déchaîner.

 

* Renaud Camus, Cancer. Journal 2023, Éditions du Château, 2024, p. 205.

 

09.X.2024

09/10/2024, 23:25 | Lien permanent | Commentaires (0)

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