(Journal du 16.XI.2024) Exemple de la sagesse des cassoces. Hier soir, post coïtum, roulant un joint, Thrasymaque, une fois tassé le tabac, arrache le papier qui dépasse et dit : « Surtout, il faut enlever le papier. C’est très mauvais pour la santé. — Ah bon ? — Bah oui ! C’est du papier ! C’est plein de produits chimiques. — Mais… Et tout le papier qui reste autour du tabac ? — Là, c’est différent, c’est le tabac qui l’emporte. Avec le shit, ça annule le mauvais effet du papier. » Je me demande tout de même si Thrasymaque n’est pas un peu dérangé. Notre conversation d’hier soir était lunaire. C’est lui qui m’a écrit sur l’application de rencontre où nous sommes en contact : « Tfk ? [Comprendre : tu fais quoi ?] — Je lis, pourquoi ? T’as envie de te faire baiser ? — Vazy [Comprendre : oui.] — D’accord. Mais j’aimerais bien te voir jouer, cette fois-ci. — Jouer ? — Pardon, c’est la saisie automatique. Je veux dire jouir. Gicler. Juter. — Impossible. Je sais pas jouir, moi. — Tu sais pas jouir ? — Non, pourquoi ? — Même quand tu te branles tout seul ? — Je me branle jamais. — Et du coup, tu veux dire que tu n’éjacules jamais ? — C’est ça. — Ça alors ! C’est la première fois que j’entends une chose pareille ! Donc si je te doigte ce soir, en te suçant bien comme il faut, tu ne vas jamais jouir ? — C’est ça, en gros, je vais pas jouir. — Mais comment ça se fait ? Y a une raison particulière ? — Non. — Même avec les filles ? — Même avec une meuf. — Et personne n’a jamais essayé de te faire jouir ? — Pourquoi ? — Ça m’intéresse. Je m’intéresse à ton corps, lol. — Ah, c’est gentil. — Tu veux pas venir continuer ici cette conversation ? — Vasy. Je pourrai fumer de la beuh chez toi ? — Oui, si tu veux, mais ne le répète à personne ! » J’ai appris plus tard, au cours de notre conversation, que la fille mère et l’autre jeune homme, ses colocataires, qui sont apparemment en couple, même si le garçon n’est pas le père de l’enfant, doivent subir depuis peu une enquête sociale. Ils devront trouver du travail dans les six mois et, apparemment, il n’est plus question de fumer ni tabac ni d’autres drogues à l’intérieur de leur appartement, à cause du nourrisson, d’où la question de Thrasymaque. Après avoir poursuivi de vive voix notre conversation sur ses impossibles émissions, au cours de laquelle j’appris que, même en dormant, Thrasymaque n’aurait jamais eu de pollution nocturne (ce qui me paraît vraiment difficile à croire), je le conduisis dans la chambre où, comme j’avais introduit deux doigts à l’intérieur de lui, et que, ‘‘irrumatus’’ et lui maniant le membre alternativement, je tâchais à lui masser la glande prostatique, je sentis soudain celle-ci se contracter sous mes doigts et vis une humeur blanche parfaitement reconnaissable se répandre en petite quantité sur mon poing. Thrasymaque rouvrit bien les yeux pour voir ce qui se passait dans la région que j’explorais, mais sans manifester de surprise, exactement comme il arrive que certains autres aiment à regarder la fontaine couler entre leurs jambes. Comme il venait de ‘‘jouir’’, je me dis que je n’allais probablement pas pouvoir le foutre, qu’il avait eu son compte ; mais pas du tout : je pus parfaitement m’introduire en lui, quoique moins longtemps que les deux fois précédentes. À la fin, n’y tenant plus, je m’exclamai : « Tu vois que tu peux jouir ! » Et Thrasymaque de me répondre très sérieusement : « C’était la première fois. » Et de poursuivre, plein d’enthousiasme : « Il est vraiment bien blanc, mon sperme ! », comme si, vraiment, c’était la première fois qu’il lui en était venu ! « Oh ! tu sais », lui répondis-je, « c’est généralement de cette couleur qu’est le sperme, même s’il est vrai que certains tirent sur le jaune. — Oui, c’est ça, on voit ça chez certains mecs. En tout cas, je me demandais ce qui m’arrivait. J’ai cru que j’allais me pisser dessus. J’essayais de me retenir, mais à la fin, impossible ! » J’ai du mal à croire qu’on puisse confondre une envie pressante avec une éjaculation imminente, mais, après tout, pourquoi pas, si c’est la première fois… Ce Thrasymaque est un vrai mystère. Je n’arrive pas à savoir s’il me prend tout à fait pour un con, s’il dit la vérité ou si la drogue lui a brûlé trop de neurones. Je l’ai raperçu tout à l’heure, au supermarché, accompagné d’un autre cassoce, que j’ai deviné être son colocataire, ce que Thrasymaque m’a confirmé à l’instant, tandis que je lui écrivais pour lui dire l’avoir vu de loin faire ses courses aujourd’hui. L’étrange est que j’avais pensé à lui peu de temps avant de l’apercevoir, parce qu’en route pour le supermarché, passant devant l’église, j’avais reconnu la camionnette de sa nouvelle entreprise (celle où il vient d’être embauché), qu’il m’avait dit avoir garée là pour la fin de semaine, non sans inquiétude, car tout cassoce qu’il ait, il craignait que cette camionnette, installée pourtant sur une place de stationnement, ne dérangeât le voisinage. Thrasymaque est un bon cassoce, un cassoce civilisé, pourrait-on dire en quelque sorte. Cependant, il ne faudrait pas que je m’en entiche : j’en serais très contrarié. Mais je ne pense pas être sur cette voie, car j’ai consacré une grande part de mes récentes vacances à la fornication la plus éhontée, et avec d’autres que lui. J’ai semé à tous les vents. Mais ce qui m’inquiète un peu, c’est que cet intense regain de libido date de ma première rencontre avec Thrasymaque. Et de tout ce qui me tombe sous la main, c’est lui qui a ma préférence. Il faut dire qu’il est très exotique, très dépaysant. Et très joli garçon ! Ah ! Ses cheveux ! Mais il voudrait les couper, pour ne plus être complètement décoiffé quand il enlève son bonnet dans l’atelier du nouveau garage où il travaille. Il ne le sait pas, mais jamais il n’est aussi beau qu’avec les cheveux en bataille.
16.XI.2024
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