Journal du 02.XI.2024 : HORTVS ADONIDIS

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(Journal du 02.IX.2024) Hier soir, j’ai été au cinéma voir Anora (Sean Baker, 2024). Comme il était à prévoir, je suis immédiatement tombé amoureux d’Ivan, le personnage interprété par Mark Eydelshteyn, dont la beauté est de celles qui emportent immédiatement mes suffrages. Sans doute même avais-je commencé d’être épris dès ma première vision de la bande annonce, exactement comme j’avais su, avant de voir le film, que je tomberais amoureux du personnage d’Elio (Timothée Chalamet) dans Call me by your name. Je suis une vraie fleur bleue. J’aime les bluettes comme, paraît-il, Wittgenstein aimait les histoires policières. Sauf que, n’étant pas Wittgenstein, évidemment, je n’ai pas l’excuse d’avoir à délasser mon esprit des efforts de la pensée ! Bien sûr, le film est d’abord l’histoire d’Anora, le personnage éponyme, jeune femme pauvre, belle, danseuse de charme et se prostituant à l’occasion, qui croit rencontrer le prince charmant en la personne du richissime Ivan, fils d’un oligarque russe, épousé lors d’une virée à Las Vegas, et qui est finalement abusée par la toute puissance de l’extrême richesse et piétinée par les parents russes débarqués en catastrophe à New York pour faire annuler le mariage. C’est une fable sociale. Mais moi qui suis plus sensible à la beauté masculine, je me suis senti concerné davantage par une autre misère, une misère spirituelle, celle d’Ivan, ce grand jeune homme immature, encore adolescent, et dont la vie ne semble consister qu’à dépenser l’argent de ses parents, en buvant excessivement, en se droguant, en faisant la fête dans des palaces ou des bouges et en couchant avec des filles : avec Anora, en l’occurrence, dont il a loué les services pour une semaine. Mais de même qu’Anora cherche à s’arracher à la pauvreté, Ivan, lui aussi, semble vouloir échapper à sa misère. Peut-être est-il sincère quand il croit, en plein coït, être tombé amoureux de la jeune femme. Mais surtout, ce qui paraît beaucoup ajouter à son bonheur de jeune marié, c’est l’obtention de la nationalité américaine, comme s’il souhaitait pouvoir demeurer aux États-Unis plutôt que d’avoir à retourner en Russie, auprès d’une famille qui semble le terrifier, au point qu’il prend littéralement la fuite lorsque les sbires de son père surviennent (et une grande partie du film se passe à rechercher Ivan dans New York). Anora n’échappera pas à sa misère, même si, peut-être, elle aura trouvé l’amour dans les bras de l’un des sbires. Mais Ivan, lui non plus, trop lâche (trop jeune, peut-être, et surtout trop immature), n’échappera pas à sa famille, quittant la misère festive pour celle des affaires, auxquelles son père souhaite désormais l’associer. Je m’identifie assez facilement à des personnages comme celui d’Ivan, même si je n’en ai plus la beauté (si seulement je l’eus jamais !). C’est l’immaturité qui nous est commune, quoique la mienne soit moins spectaculaire, surtout avec l’âge. J’ai d’ailleurs vécu moi aussi très longtemps aux crochets de mes parents, de ma mère surtout. Et encore aujourd’hui, c’est grâce à la générosité de cette dernière que je ne vis pas tout à fait misérablement. Cette maison, par exemple, je n’en suis pas l’unique propriétaire. La plus grande part est détenue par ma mère. Quant à l’autre, la plus petite, c’est avec l’argent de la vente de mon ancien appartement que je l’ai acquise, appartement que j’avais acheté grâce à l’argent que m’avait offert… ma mère, dont elle avait dû donner autant à ma sœur, pour ne léser personne. C’est dire si j’ai pu lui coûter ! Et c’est surtout dire comme je suis injuste avec cette pauvre femme, que je maltraite et que je néglige, parce que je préfère penser d’abord à moi, et qu’elle m’empêche de le faire, et de l’être. Mais Tirésias, mon analyste, quand je lui confiais ma mauvaise conscience, m’assurait qu’il était tout à fait normal de penser d’abord à soi. (La psyché n’est pas une région très civilisée.) Il me semble occuper la terre d’une manière assez comparable à celle d’Ivan, moins somptueusement, bien sûr, mais non moins inutilement, je crois. D’où ma sympathie pour le personnage, qui ne la doit pas qu’à son extrême vénusté. Mais ce n’est pas pour faire le critique cinématographique que je parlais de ce film. C’est plutôt pour rapporter un fait étrange, auquel j’ai assisté et que j’ai dû subir pendant la séance. À peine le film était-il en effet commencé que j’ai senti qu’arrivait à mes narines, de ma droite, un pénible effluve, plus qu’alcoolique, de pure mauvaise chimie, et que j’ai reconnu immédiatement comme étant l’odeur du poppers, puisque Thrasymaque avait dû s’en servir la veille, pour la bonne tenue de nos ébats. À deux sièges du mien, un homme était en train d’en respirer, et le fit pendant toute la projection, m’incommodant fort. Il m’a même semblé reconnaître des bruits extrêmement suspects en même temps qu’une odeur, je crois, de b*** ensalivée, et maniée soit par main soit par bouche, je ne sais, n’ayant pas regardé, parce que j’avais le film à suivre et qu’il faisait très noir, de toute façon. Je soupçonne la voisine de droite de ce mal élevé de n’avoir pas été aussi attentive que je le fus à la triste histoire d’Ivan et d’Anora. Comme ces odeurs sexuelles étaient assez en rapport avec certaines scènes du film, on pourrait dire, en quelque sorte, que la projection était en odorama. Mais vraiment, les gens n’ont aucune éducation !

 

02.XI.2024

02/11/2024, 23:43 | Lien permanent | Commentaires (0)

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