Journal du 19.VII.2024 : HORTVS ADONIDIS

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Composition du Testament d'Attis

 

(Journal du 19.VII.2024) Je consacre ces jours à la composition dans InDesign du Testament d’Attis, en vue de sa publication, avant la fin de l’été, en principe, chez Tibia Clarisona, ma petite maison d’édition de fantaisie. Ce travail étant beaucoup moins automatisé que j’aurais cru (soit que ne je connaisse pas toutes les ressources du logiciel de PAO, soit que je ne souhaite pas faire autrement qu’à ce rythme qui m’est propre), il m’est l’occasion d’une relecture attentive du livre, dont il ressort que l’ensemble n’est tout de même pas si calamiteux qu’il me paraît dans les moments de découragement, même s’il a probablement tous les défauts d’une première œuvre, qu’il est superlativement, puisqu’il est non seulement la première que je publie, mais aussi parce qu’il contient, pour les besoins de l’espèce d’enquête que j’y mène, certains de mes plus anciens sonnets. Je continue de penser que la partie consacrée à Genèse, le film de Philippe Lesage, est le point le plus faible de l’ensemble. Je me demande même si le lecteur qui n’aurait pas vu le film pourra vraiment suivre ce dont il est question dans ce long passage. D’un autre côté, cette référence à un film qui ne mériterait sans doute pas qu’on lui porte une si grande attention est peut-être le lieu d’une grande vérité : c’est qu’on ne trouve pas toujours son refuge, sa consolation, dans les plus grandes œuvres de la culture, hélas (ou bien est-ce heureux ?). Il est des œuvres dans lesquelles on se complaît, on baisse les armes, on se repose ; et d’autres au sein desquelles on s’efforce de s’élever, de se façonner, de s’aiguiser. Mais le marbre est parfois une matière bien dure et bien froide… C’est ce que je tente de dire dans les stances liii et liv :

 

liii

Parce qu’au plus profond j’avais ce vague à l’âme,
C’était non seulement mon précaire calame
Mais les livres aussi qui me tombaient des mains.
Pendant des jours entiers, comme un mort sous la lame,
Je laissais dans son lit mon pauvre corps humain,
Ne faisant plus que tout remettre au lendemain.
Pour occuper un peu ma paresse maligne,
Je regardais parfois des vidéos en ligne.
J’ai toujours consolé dans l’œuvre de fiction,
Surtout, le plus souvent, de facture bénigne,
Le lamentable effet de la malédiction
Qui me refait toujours sombrer dans l’affliction.

 

liv

Je prise dans ces films les jeunes personnages
Malmenés en leurs jours. J’aime qu’ils soient d’un âge
Où l’âme se découvre et s’éveillent les sens,
Comme lorsque je fus livré à mon carnage,
Il y a si longtemps, pendant l’adolescence,
Et que fut une mort ma seconde naissance.
Il me semble revivre, en voyant ces histoires,
Les heures de jadis, encore aléatoires,
Où tout était possible et, dans cette anamnèse,
Espérer de nouveau trouver l’échappatoire.
Durant cette période, un film, titré Genèse*,
Plus qu’un autre a produit cette étrange synthèse.

 

À strictement parler, le Testament d’Attis sera ma seconde publication, puisque j’ai fait paraître en mai dernier Sonnets de guerre et quatorzains de paix. Mais dans mon esprit, cette plaquette était plutôt une sorte de premier essai technique, pour regarder d’un peu plus près comment on fait pour autoéditer un livre sur Amazon. Mal m’en a pris d’ailleurs, car celui qui s’est vu instituer poète, par legs d’Attis dans son Testament, avait déjà bien progressé au moment des Sonnets de guerre et quatorzains de paix, si bien que la deuxième publication, qui est en réalité ma première œuvre, semblera moins réussie et pourrait donc décevoir un lecteur qui s’attendrait à des vers de la qualité de ceux qu’il aurait lus dans la plaquette. Par chance, les lecteurs de cette plaquette se comptent littéralement sur les doigts d’une main. Je ne cours donc guère le risque de faire beaucoup de déçus ! (Mais j’ai la surprise de trouver ce matin quatre vers des Quatorzains de paix cités sur sa page Facebook par Renaud Camus en personne, à qui j’en avais fait l’envoi. Un tel honneur oblige, en principe… Et comme toujours, je m’apprête donc à manquer à mes devoirs les plus élémentaires…) Au fond, ce qu’il y a au principe même de la faiblesse du Testament d’Attis, c’est que j’y ai trop une idée en tête, une enquête à mener, auxquelles je n’ai donc pas d’autre choix, par endroits, que de plier le mètre et la rime, ce qui n’est pas très heureux. Je suis toujours à mon meilleur quand je me laisse au contraire entièrement mener par la rime et le mètre, comme dans les quatorzains, qui sont devenus ma forme fixe d’élection. L’idée me vient en les écrivant. Elle n’importe pas en soi. C’est la manière de la dire qui compte seule. C’est dans cette manière que se loge la poésie. Mais, il y a tout de même quelques belles pièces dans le Testament, qui se tiennent en elles-mêmes, et qui sont d’ailleurs, bien souvent, des poèmes à forme fixe, justement, ou qui pourraient avoir été écrits pour le seul plaisir de les écrire, indépendamment du récit qui se déroule tout au long du livre, comme la Ballade d’Antigone, celle du concours de Blois, toute la transposition en ballades en alexandrins des galliambes de Catulle ou les quatorze ballades en décatétrasyllabes du Codicille. Mes sonnets d’adolescents, eux non plus, ne sont pas si mauvais, finalement. Je les trouve touchants du moins, même s’il n’y a probablement que moi qu’ils toucheront. Mais je suis tout de même si peu fier de moi, au moment de faire paraître le Testament d’Attis, qu’à l’actuelle composition typographique s’ajoute en ce moment celle d’une dernière élégie, une sorte de postface écrite dans ce distique élégiaque que j’ai élaboré originellement pour la transposition en vers français de ceux de Tibulle. Élégie assez charabiesque, d’ailleurs, puisque j’y ai encore une fois trop une idée en tête, qui est en quelque sorte de m’excuser de donner à lire un Testament si truffé de mièvreries, de maladresses, de lourdeurs, de naïveté, de taedium vitae, de macabre et de misanthropie : c’est littéralement l’œuvre d’un adolescent de quarante ans passés ! Du moins ces distiques feront-ils une bonne transition, comme on dit à la télé, avec la publication suivante, qui a toutes les chances d’être le premier livre des Élégies de Tibulle, justement, transposées en vers français, car le projet de Cent quatre-vingt-seize quatorzains me paraît d’une ambition telle (par l’ampleur) que sa réalisation n’est manifestement pas pour demain, alors que j’ai déjà terminé la transposition de cinq des dix élégies du livre premier de Tibulle. « Traduction » n’est pas le mot, bien sûr, mais « transposition » ne l’est guère plus, finalement. Je dois confesser que je ne vise absolument pas la fidélité ni ‘‘l’équivalence’’ en transposant en vers français Tibulle ou Rupert Brooke. Pour Sonnets de guerre et quatorzains de paix, je n’ai cherché dans les poèmes de Brooke qu’un prétexte pour faire des vers, pour faire mes vers. Bien sûr, l’extrême beauté du jeune homme était pour moi inspirante, et coucher nos vers dans le même livre, c’était presque coucher ensemble dans le même lit. L’idée qu’il n’avait pas plus fait la guerre, qu’il n’était pas plus allé au combat en 1914, que je ne connais la paix en 2024, était plaisante, elle aussi. Mais l’essentiel, pour moi, c’était d’abord d’avoir assez de matière pour faire un petit livre, et de donner je dirais presque arbitrairement une généalogie à mes cinq quatorzains, qui avaient besoin d’être le reflet de cinq sonnets dans le miroir du gros siècle écoulé. Mais c’est tout à fait sans scrupule que j’ai traduit par exemple « And the worst friend and enemy is but Death » par « Où le seul ennemi, le seul ami, n’est que la mort », changement d’ordre (friend/enemy, ennemi/ami) qui me paraît être d’une très grande infidélité. Il y a chez moi du barbare, qui n’hésite pas à piller et ramener chez lui des lambeaux d’œuvre pour un tout autre usage. Puisque l’important n’est pas l’idée, mais la manière de la dire, pourquoi s’en tenir à ses propres idées, surtout si l’on en a peu, et qu’elles sont confuses, changeant d’une heure sur l’autre ? Il me semble souvent que la meilleure façon d’être poète, la façon la plus libre, du moins la plus détachée de son ridicule petit moi, c’est de couler dans sa langue les vers qu’un autre a écrits dans une autre langue, quitte à les détourner parfois de l’idée qu’ils portent, pour y mettre un peu de la sienne, ou même seulement pour respecter les règles métriques de sa propre langue. L’étrange est finalement que c’est peut-être l’idée que j’ai à l’esprit, la recherche, l’enquête, le rassemblement des preuves pour remonter jusqu’à l’origine de ma vocation poétique, qui est littéralement une vocation, un appel d’Attis, qui sauve le livre. Il y a tout simplement dans cette enquête, je crois, quelque chose d’intéressant, qui retient l’attention, et qui donne envie de savoir de quoi il retourne.

 

* De Philippe Lesage, un auteur québécois.
Dans ce film, Cupidon tire de son carquois
Et plante dans les cœurs de trois tout jeunes gens
Les flèches d’un amour fatal dès qu’émergeant. (Note du Testament d’Attis.)

 

19.VII.2024

19/07/2024, 15:33 | Lien permanent | Commentaires (0)

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