(Journal du 28.VII.2024) Je crois que j’aurais pu faire une belle carrière dans la rédaction de slogans publicitaires, mais pour qu’on n’achète pas les produits, ou pour qu’ils se vendent très mal. Hier, pour faire un peu de publicité à Sonnets de guerre et quatorzains de paix, je me suis amusé à faire traduire automatiquement par Google le cinquième quatorzain quatorze fois, du français au français, mais après être passé par toute sorte de langues étrangères. Le résultat est fascinant. Les tournures syntaxiques se trouvent incroyablement appauvries, d’autres sens s’imposent et de nouvelles images peuvent apparaître, assez réussies, par exemple : « Et quoi que vous rasiez, laissez votre coiffure durer » ou « Manger à cause de la faim, de la maladie et de la conduite automobile ». Je renouvelle l’expérience aujourd’hui, avec le même quatorzain, que je fais encore traduire automatiquement une bonne vingtaine de fois. De nouvelles significations apparaissent encore, d’une expression toujours plus pauvre et tautologique (« Quand il y aura la paix dans le monde, il y aura la paix » !), mais parfois surviennent des images ou des considérations que je serais bien incapable de concevoir moi-même (« Dans quelle mesure nos pieds sont-ils en bonne santé ? »). Pauvreté d’expression, absence de musicalité, originalité de l’image : il me semble que ce sont les principes même de la poésie contemporaine. Me vient alors l’idée de faire à mon tour une ‘‘traduction’’ de ces traductions automatiques, pour obtenir un nouveau poème en français à peu près lisible (il faut tout de même que cela reste de la poésie, et contemporaine !), mieux dans l’air du temps, et, qui sait, plus susceptible de succès dans les revues, dont pas une, jusqu’aujourd’hui, n’a voulu de moi, même si, probablement, j’aurais pu les solliciter davantage. J’ai déjà le titre d’un recueil éventuel : Traductions Google traduites en français. Je suis presque sûr que je pourrais faire une autre carrière, un peu moins obscure, sous un autre nom de plume. Nikolaï Googol, par exemple, ce serait très bien. Enfin non, ce serait trop gros ! Dommage… Si j’ajoute un nombre suffisant de retours à la ligne, et quelques blancs pour faire de petites strophes, le résultat est à se méprendre d’authenticité. On croirait lire l’œuvre originale d’un jeune ou vieux poète à succès (si l’on peut user d’un tel mot en poésie) :
Il n’a pas ouvert l’œil
Pour lire le lac Olympe.
Aussi, par terre,
Quand vous trouvez des larmes,
Versez les vôtres !
Pourquoi le corps
Ne ressent-il
Ni plaisir,
Ni douleur ?
Qui connaît la folie
Quand les rois sont stupides,
Ni l’enfant,
Ni la fleur ?
La coupe est pleine sans colère.
Alors la colère
Coule.
Quelle torture
La lyre apporte-t-elle
Sur nos pas ?
Dans quelle
Mesure
Nos pieds sont-ils en bonne
Santé ?
Te souviens-tu de la musique ?
Quatre chevaux portent le temps
Du matin jusqu’au soir,
Et le progrès,
La guerre et les secrets.
Et toi, tu manges
À cause de la faim,
Et de la maladie ;
De la conduite automobile !
Les mules mangent
De l’herbe humaine ;
Et les moustiques
Les arbres et les plantes.
Le nourrisson,
Appuyez sur sa tête,
Bien avec les côtés !
Et quoi que vous rasiez,
Laissez durer votre coiffure…
28.VII.2024
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