Journal 29.VII.2024 : HORTVS ADONIDIS

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(Journal du 29.VII.2024) J’ai dit hier que je pourrais sans doute faire une seconde carrière de poète, et probablement avec plus de succès, en ‘‘traduisant’’ dans un français acceptable des enchaînements de traductions automatiques réalisées par Google. Ce pourrait être une sorte de travail alimentaire. Enfin, la comparaison n’est pas très heureuse, car la poésie n’a jamais nourri personne, et certainement pas spirituellement. Et je ne crois pas non plus qu’on pourrait dire d’elle qu’elle affame, ce qui serait une autre espèce d’honneur. Mais il est vrai qu’elle laisse souvent sur la faim. Dans tous les cas, j’augmenterais certainement ma productivité, même si l’opération ne se fait pas tout à fait en un tournemain. Mais surtout, donc, je pourrais peut-être me faire à mon tour un petit nom dans la république des lettres, un autre nom qu’Olivier Causte, en tout cas, car j’ai quelque difficulté à trouver une paternité commune entre les deux démarches, celle de l’imposteur et celle du besogneux. Ce n’est pas qu’il n’y ait pas beaucoup d’imposture dans ma première manière, mais du moins la régularité du mètre redresse-t-elle un peu l’ensemble en lui donnant un faux air d’honnêteté. Je suis de plus en plus tenté par la pluralité des hétéronymes. Souvent, déjà, mon cousin Ménippe vient me brusquer et me pousse à laisser s’épancher dans mes statuts Facebook le mauvais sang de sa veine satyrique. Mais il est probable que cette tentation de l’hétéronymie soit une nouvelle manifestation de ma fâcheuse tendance à me disperser. Et de fait, le recours à plusieurs noms de plume ne ferait probablement, en les dispersant dans le vent, que réduire encore un peu plus les chances de me faire connaître, ce qui, d’ailleurs, ne serait pas sans avantage pour la préservation de ma tranquillité. Quoi qu’il en soit, je ne disais cela que pour plaisanter, ou pour faire l’intéressant. Mais à la réflexion, il y aurait bien entre les deux manières une certaine cohérence, une justification commune, un même ‘‘besoin naturel’’ (naturel au poète, qui, après tout, est de faire, de produire de la matière lexicale). J’ai dit par exemple dans ce journal, il y a quelques jours, que si j’avais emprunté les Sonnets de guerre de Rupert Brooke, c’était d’abord parce que j’avais besoin de matière pour faire un petit livre ; et qu’il n’était pas rare que le barbare que je suis pille et rapporte chez lui des lambeaux d’œuvre pour son propre usage. Or, si, comme je le crois, le poète n’est pas tant celui qui fait œuvre que celui qui est à l’œuvre (qui fait tout court), pour ne pas être désœuvré ni bêtement affairé dans le monde, les traductions automatiques de Google ne peuvent-elles pas donner la matière dont celui-ci a besoin pour produire ses vers, exactement comme font les vers écrits en langue étrangère qu’il m’est arrivé de transposer en français, puisque ce ne sont pas mes idées qui me semblent importer le plus (idées dont je suis souvent à court, ou dont il peut m’arriver de changer d’une heure sur l’autre, et qui, la plupart du temps, sont d’une grande banalité), mais la façon de les dire, c’est-à-dire la production de vers. Et peu importe, finalement, s’il s’agit de vers mesurés et rimant rigoureusement entre eux, soucieux, en quelque sorte, de rendre hommage à la tradition, c’est-à-dire à la langue dont ils émanent ; ou de vers complètement dégondés, issus de l’enfoncement de toutes les portes ouvertes aux quatre vents de la modernité la plus digitale (c’est toujours le nombre, finalement). Dans tous les cas, moi, je suis à l’œuvre, et peu m’importe la réception, puisque, je l’ai déjà dit, j’écris pour les philologues de l’an quatre mille. Si ‘‘mon œuvre’’ doit connaître un jour quelque succès, il y aura longtemps que je ne serai plus là pour le voir ! Et le traducteur de Google a parfois des fulgurances poétiques dont je me soupçonne d’être parfaitement incapable, comme celle-ci, apparue après une longue série de traductions automatiques du premier sonnet de guerre de Rupert Brooke : « Lumière ! / Quel dommage / De te découvrir ! » Dernière remarque : il serait sans doute possible de plier les traductions automatiques de Google aux règles du vers régulier. Il en sortirait encore certainement quelques belles trouvailles. Il faudrait que j’essaie. L’un de mes grands regrets est de ne pas avoir trouvé de nom à mon quatorzain considéré comme forme fixe quasi concurrente du sonnet (dans mon histoire littéraire personnelle, du moins.) Mais j’ai déjà quelques pistes pour ce nouveau genre littéraire (plutôt que forme littéraire), je veux dire la traduction en français de traductions automatiques réalisées par Google : googueulades ne serait pas mal ; égooglogues non plus ! Enfin, non, ce serait grotesque. Mais églogues ferait assez bien l’affaire, il me semble, un peu comme Renaud Camus a repris ce mot pour désigner l’un de ses genres à lui. Exemple :

 

Je remercie
Dieu pour cela.


Faut-il être jeune
Pour réussir ?
Avoir les bras forts,
Les yeux brillants,
L’énergie neuve,
Pour éviter
Tous ces nageurs
Sans expérience ?

 

J’ai quitté le vieux monde
Et je suis parti seul.
Prenez un cœur bien triste
Et puis décorez-le.

 

Des chansons sont joyeuses,
D’autres sont tristes.
Ça ne prend qu’un instant.

 

Lumière !
Quel dommage
De te découvrir !

 

Il n’est rien dans la vie qu’on ne puisse échanger.
Vous vous sentirez mieux, votre santé sera meilleure.

 

Rien ne peut empêcher de luire
Dans la joie éternelle.
En terme simple,
Ce n’est pas toujours nécessaire.

 

Un seul,
Un mort.

 

29.VII.2024

29/07/2024, 21:23 | Lien permanent | Commentaires (0)

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