(Journal du 29.VIII.2024) La rentrée toute proche se fait sentir jusque chez moi et m’a tiré de ma retraite. Outre que j’ai déjeuné en ville, hier, avec mon amie Zélie, j’ai dîné ensuite avec la bande habituelle du dicastère, ce que j’avais également et déjà fait la semaine dernière. Ma reprise au dicastère est finalement reportée au mois d’octobre, mais je dois me rendre mardi prochain à un entretien d’embauche pour un poste administratif dans un centre de formation d’Argos, où je serais mieux payé, et dans le cadre d’un contrat d’un an pouvant être suivi d’un contrat à durée indéterminée. La ‘‘sécurité de l’emploi’’, comme on dit, et surtout l’appât du gain me font désirer plus que je ne devrais sans doute une issue positive, même si la perspective d’un contrat à durée indéterminée me chagrine un peu, l’alternance de périodes de travail et de périodes de chômage étant pour moi, et surtout pour ma production littéraire, du plus grand intérêt. Mais je ne serais pas fâché de pouvoir tourner définitivement le dos au dicastère (même si le travail m’y plaît tout particulièrement), parce que je viens d’apprendre que la prime de fin de contrat (pour la période de janvier à juin) ne me serait pas versée, à cause d’une manipulation qui m’avait complètement échappé : j’avais été recruté les trois premiers mois pour un besoin occasionnel et les trois suivants pour un besoin saisonnier. Seul le besoin occasionnel, ai-je donc appris, donne droit à la prime de fin de contrat. Mais comme personne ne s’était donné la peine de me prévenir de cette modification (certes écrite en toutes lettres sur le contrat…), et surtout du changement qu’elle impliquait dans les conditions de fin de contrat, je ne m’attendais pas à cette mauvaise nouvelle, d’autant que les ‘‘lignes budgétaires’’ indiquées sur les documents sont rigoureusement les mêmes. Mais, surtout, les ‘‘besoins’’ entre les deux contrats étaient strictement les mêmes, eux aussi, et il y avait une parfaite continuité entre mes tâches de la fin mars et celles du début d’avril, ces tâches étant d’ailleurs liées, en réalité, à un besoin permanent du service, à savoir le traitement du flux constant des procédures pénales (physiques ou numériques) entrant au bureau d’ordre du dicastère. Ces tâches sont si inhérentes au service du bureau d’ordre (mal calibré pour ce qui est du nombre d’agents qui y travaillent), que dès que je suis en période de chômage (faute de budget), le retard s’accumule, les stocks à traiter s’accroissent, et c’est moi qui les résorbe à ma reprise de poste ! Je ne vois pas d’autre raison d’être à cette manipulation que celle de ne pas me verser la prime de fin de contrat, et j’en suis très contrarié. À cela s’ajoute le fait que mon avocate vient de m’écrire pour m’annoncer que mon affaire contre le rectorat de l’académie d’Acaris est enfin audiencée au 4 septembre prochain. Les mauvais souvenirs de mon licenciement me reviennent, et bien sûr, l’inquiétude de perdre mon procès, même si le rectorat ne s’est pas donné la peine d’envoyer de mémoire pour sa défense. Il me semble que ce fait devrait jouer en ma faveur, puisqu’il implique que seule notre argumentation sera examinée par le tribunal. L’avocate me dit que nous pourrions avoir connaissance du premier avis que donnera le rapporteur public environ 48 heures avant l’audience. Et, dans tous les cas, la décision sera rendue dans un délai de 15 jours à compter du 4 septembre. Mais, dans le cas de ma victoire, je m’attends à un appel du rectorat, qui retarderait probablement la résolution de notre litige de deux bonnes années encore, si du moins je décide de poursuivre un combat qui me coûte beaucoup d’argent, compte tenu de la faiblesse de mes revenus. Peut-être même la perspective de cet appel est-elle la raison pour laquelle le rectorat ne s’est pas encore défendu. Celui-ci ne voudrait pas perdre son temps en première instance et attendrait la deuxième pour me donner le coup de grâce. Ou bien, autre hypothèse : dans le souci de ne pas faire de vague, selon l’expression consacrée, le rectorat serait prêt à me payer les salaires qu’il me doit, se contentant d’être arrivé à la fin qui lui importait vraiment, c’est-à-dire être débarrassé de moi. Mais, comme je le disais hier à Zélie, cette seconde hypothèse me paraît tout de même très optimiste. Toute cette agitation occasionne une sorte de bruit de fond, qui affecte profondément le calme précaire de ma retraite. C’est il y a peu que je me suis avisé de cela, que j’appelle « bruit de fond » : la vie sociale, bruyante par définition, laisse une espèce de bourdonnement dans l’oreille, même le soir venu, même lors des fins de semaines. Ce bourdonnement, ce bruit de fond, empêche d’écrire aussi efficacement que lorsque la retraite est totale, c’est-à-dire lorsqu’elle est toute silence. Et c’est pourquoi la perspective d’un recrutement au centre de formation dont je parlais tout à l’heure me chagrine un peu, si le contrat à durée déterminée (d’un an) doit être suivi d’un contrat à durée indéterminée : le bruit de fond deviendrait permanent.
29.VIII.2024
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