(Journal du 01.XI.2024) Hier soir, Thrasymaque est revenu chercher chez moi ce qu’il y avait trouvé samedi 26 octobre. Cette seconde fois fut hélas l’occasion de vérifier ce couplet du Testament d’Attis :
Notre premier baiser est toujours le dernier.
Jamais deux fois en nous ne brûle ce brasier
Qu’on ne reverra plus qu’avec la fin du monde.
Donner ou recevoir le premier des baisers
Nous apprend qu’une fois est toujours sans seconde,
Qu’à chaque pas qu’on fait la terre est moins féconde.
Toujours une foulée est un pas vers la mort
Et nous mène à la foule, errant sur l’autre bord,
De ceux qui par malheur ont passé la barrière
Et savent que pour eux il n’est plus d’autre sort
Que de se rappeler que, dans toute carrière,
Une première fois nous est toujours dernière.
Ce n’est pas que les bouches de Thrasymaque furent moins accueillantes hier soir, mais la conversation qui lui sortait de celle d’en haut était d’un débit trop abondant pour moi. L’un des désagréments des idulles est que, parfois, les c*** sont trop étroits pour vous accueillir. Mais il peut arriver que ce soient plutôt les oreilles qui vous soient trop sensibles pour subir sans dommage la conversation d’un besogné trop satisfait, et surtout dont l’organe phonatoire est trop indélicat. Bref, Thrasymaque est déjà décevant. Déjà, notre seconde fois paraît bien pâle, comparée au souvenir intact de la première. Il y a donc peu de chances que celui-ci me devienne un nouveau Cléomène, lequel était admirablement silencieux. Jamais il n’avait un mot de trop. Quelques paroles divines lui échappaient miraculeusement pendant l’acte, qui me semblaient d’une valeur inestimable. Ensuite, nous n’échangions que les quelques phrases indispensables aux hommes pour se donner l’illusion d’avoir des rapports supérieurs à ceux qu’entretiennent entre elles les bêtes, et, quant à Cléomène, il le faisait avec une réserve, presque une pudeur, qui m’enchantaient. Finalement, ce beau jeune homme était une exception : nos rencontres avaient la saveur d’une inépuisable première fois. Il me manque beaucoup. Entre son corps et le mien s’était nouée l’une des plus belles amitiés que la terre ait connues. Et pour reprendre un lieu commun de haute antiquité, lorsque nous nous retrouvions, nous faisions comme avoir une âme pour deux corps, puisque nous pouvions nous passer de mots. Il y a tout de même eu de la nouveauté dans cette seconde fois avec Thrasymaque. Celui-ci m’avait prévenu avant de venir, hier soir, qu’il préférait être foutu « en cuillère », comme il dit. J’ai donc eu l’occasion d’étudier longuement son profil, qu’il a vraiment admirable, ce dont je ne m’étais pas avisé la première fois. On dirait une antiquité grecque. J’ai pu mieux mesurer la longueur de ses cils, qui m’ont rappelé ceux d’Augustin. Mais ce dont je ne me lasse pas, ce sont ses cheveux, dont les touffes, les épis, ont des façons extrêmement garçonnières. Il m’a dit qu’il se les faisait couper par un ami. Il ne va pas chez le coiffeur. Quelle confiance il faut avoir en cet ami ! Et quelle indifférence pour son paraître ! Qu’il lui faut être garçon, finalement, pour se coiffer ainsi !
01.XI.2024
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