(Journal du 30.XI.2023) J’ai dit hier que l’adolescent que je fus était sûrement mort en même temps que River Phoenix, cet acteur que j’aimais tant. Il me faut évidemment faire une précision importante. Je ne sais si c’est une loi humaine, mais c’en est une personnelle : tout ce qui meurt en moi (en nous ?) reste vivant d’une certaine manière, sur un certain mode, qui est, chez moi, celui de l’impuissance, c’est-à-dire d’une puissance purement virtuelle, dont aucun des possibles n’est plus jamais réalisé. Il m’arrive encore de croire en ma puissance, mais je suis toujours déçu. Toute ma mélancolie s’explique par l’ombre que continue de projeter sur moi l’adolescent qui, n’étant plus, fait comme me rester davantage à l’esprit. C’est lui d’ailleurs qui, particulièrement vivace pendant la parenthèse enchantée du coronavirus, m’a fait écrire Le Testament d’Attis, dont voici l’exergue. Son cadavre bougeait encore. Il était même alors particulièrement remuant.
Je sens encore en moi l’adolescent qui fut.
Sa forme dans mes bois est toujours à l’affût.
C’est quand il boit à l’onde où se forment mes larmes
Ou qu’il quitte la chasse à nos songes profus
Que je le raperçois : quand il pose les armes
Et s’en vient assoupir contre le pied d’un charme.
Mon chant devient alors le songe de sa nuit.
La fange de mes jours le retient enfoui,
Gisant qui dans mon âme ouvre une large plaie
Où se défont à moi ses restes éjouis :
Aux larmes de mes yeux sa poudre se délaie,
Étoilant de son sel de mes pleurs la saulaie.
30.XI.2023
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