Journal du 29.XI.2023 : HORTVS ADONIDIS

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(Journal du 29.XI.2023) Je suis allé voir hier soir le Napoléon de Ridley Scott, qui m’a semblé d’un ennui mortel. Le comble est que tout va si vite malgré les longueurs qu’il ne semble y avoir que deux personnages : Napoléon et Joséphine. Pour le reste, on croirait n’apercevoir que des figurants, sauf (peut-être) Alexandre Ier et Wellington. Dans tout le film, les fenêtres des hôtels et des palais sont si peu françaises, toutes, que le point de vue ne pouvait être qu’anglais, comme il se dit beaucoup, je crois. D’ailleurs, les dialogues sont en anglais. On a beaucoup de mal à prendre la chose au sérieux. Mais justement, je me demande si ce n’est pas délibérément que le réalisateur a donné à son épopée ratée des airs de farce, avec ce Napoléon incroyablement fat, falot et pleutre. D’ailleurs, dans le film, avant de devenir empereur, l’homme tombe beaucoup, je veux dire par terre, presque comme si c’était un gag. Ce Napoléon, c’est guignol et grand-guignol. Mais même à la farce on ne croit pas. Elle n’est pas assez assumée. (C’est un peu comme cette mini-série sur Netflix, Toute la lumière que nous ne pouvons voir, dans laquelle j’ai eu grand tort de m’embarquer quand j’eus retrouvé ma connexion Internet, il y a peu, après treize jours d’interruption. Les dialogues y sont aussi en anglais. Mais les personnages allemands semblent s’écrier Heil Hitler à tout propos, et souvent hors de propos ! Bref, là non plus, ce n’est pas du tout crédible. Je me demande comment des Allemands (car certains acteurs sont allemands) peuvent consentir à prononcer des répliques aussi absurdes. Ils doivent tout de même bien savoir ce que signifie Heil Hitler et avoir quelque idée des cas où s’employait cette détestable formule… (Du même ordre, dans le Napoléon de Ridley Scott, Joséphine, à qui le tsar Alexandre rend visite à la Malmaison (fausse Malmaison, beaucoup plus somptueuse que la vraie), donne à ce dernier le titre d’altesse. Mais je ne me rappelle plus si ce mot figure dans le dialogue anglais ou si c’est la traduction dans les sous-titres qui est mauvaise.) Il est vrai qu’avec un tel titre, Toute la lumière que nous ne pouvons voir, j’aurais dû me méfier, mais comme c’est Louis Hofmann qui tient le premier rôle masculin et que cet acteur s’attire toujours des regards complaisants de ma part, je me suis laissé prendre au piège. Hélas, même Hofmann est une déception, parce qu’on lui a donné dans la série un inexplicable air de mocheté, dans certains flash-back du moins.) Mais pour en revenir à Napoléon, j’ai toujours préféré à Joaquin Phoenix son frère aîné, mort trop tôt. J’étais littéralement amoureux de lui, durant mon adolescence, surtout depuis son interprétation du personnage de Mike dans My Own Private Idaho (mais j’aimais aussi beaucoup Keanu Reeves : sans doute étais-je également amoureux de l’improbable, de l’impossible couple que formaient leurs deux personnages dans le film.) Je crois pouvoir dire sans exagération que je ne me suis jamais vraiment remis de la mort de River Phoenix. J’avais dix-sept ans et venais de m’installer dans la ville d’Acaris, pour commencer mes études, qui allaient être désastreuses. L’adolescent que j’étais à l’époque est sans doute mort en même temps que l’acteur. (Comment ai-je pu négliger de parler de cela dans Le Testament d’Attis, où il est pourtant question de cinéma ?) D’un autre côté, si River Phoenix avait vécu, peut-être serait-il devenu aussi disgracieux que son frère. Et comme il se droguait, qui sait même s’il n’aurait pas fini dans le même état qu’Edward Furlong, autre acteur de ma jeunesse dont j’ai beaucoup aimé la grâce, mais qui s’est fort engraissé depuis lors. D’un autre côté, Keanu Reeves vieillit très bien (mais peut-être la chirurgie n’y est-elle pas pour rien.) Dans un registre plus naturel, Ethan Hawke, dont le personnage, dans Bienvenue à Gattaca, est pour moi d’une beauté indépassable, ne vieillit pas trop mal non plus. Comme les injections ni le bistouri ne semblent avoir approché son visage, il a fini par prendre cet air presque bad boy de quelqu’un qui a beaucoup vécu, et qui, certes, n’a plus la beauté apollinienne du personnage de Gattaca ni l’innocence du tout jeune homme du Cercle des poètes disparus, mais qui se laisse tout de même encore regarder sans déplaisir, contrairement à ce pauvre Edward Furlong, dont la vision m’est particulièrement douloureuse, parce que je me souviens encore, en voyant la dévastation de son visage et de son corps, de l’acteur si prometteur qu’il était dans les années quatre-vingt-dix et deux mille : j’ai comme la nostalgie de toute le reste d’une carrière qu’il n’a pas pu avoir. Mais qui suis-je pour le juger ? J’ai moi-même largement commencé à péricliter, à tel point que, passant devant un miroir, j’ai souvent l’impression d’être le personnage d’un film d’épouvante, dont le reflet est celui de quelque créature monstrueuse ! Je ne suis pas loin de sursauter, lorsque je m’aperçois. Par chance, ma vue semble baisser un peu plus chaque année. À ce rythme, dans un lustre ou deux, je n’aurai plus aucune idée de ma propre dévastation physique.

29.XI.2023

29/11/2023, 23:19 | Lien permanent | Commentaires (0)

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