Journal du 13.VI.2024 : HORTVS ADONIDIS

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(Journal du 13.VI.2024) J’ai dîné en ville avec Cléonice, pour lui tenir compagnie en l’absence de Gongyla, retenue au dicastère jusque tard dans la soirée, en raison du défilé de malfaiteurs qui venaient de tomber au terme d’une longue enquête de police. Cléonice ne quittant Acaris pour Argos que deux jours par semaine se loge habituellement chez Gongyla, et celle-ci m’avait donc donné pour mission ‘‘d’occuper’’ son hôtesse en son absence, ce que faisant, je rendais la pareille à cette dernière, puisqu’elle en avait fait autant pour moi, lors de ma venue à Acaris, la semaine dernière, pour l’oral de mon concours. Nous avions également dîné ensemble. Après le repas, nous sommes rentrés à pied jusque chez moi, d’où je l’ai reconduite ensuite en voiture chez Gongyla. Je dois dire je ne m’étais pas aperçu jusqu’aujourd’hui que ce que Simos appelle la Grande Antallage, ou la Mégalantallage, expression reprise par la terre entière, était si avancé même à Argos. Bien sûr, je savais qu’Argos en son centre n’était plus la ville de mon enfance. Mais ce n’est plus même l’Argos d’il y a douze ans, lorsque mes vies sociale et nocturne étaient plus intenses qu’aujourd’hui, et que je sortais donc davantage. Il n’y avait partout qu’Abyssins et Sabéens, dont une bonne part portait des aubes ou des robes de leurs pays. Sauf les hommes en robe, peut-être, tous avaient plus ou moins l’air de dealers ou de sicaires. Il n’y avait pas de femmes. Sans doute étaient-elles confinées au foyer. Leurs femmes ne sortent apparemment qu’aux heures ouvrables. Toute la rue en avait quelque chose d’interlope et de négligé. Ils étaient apparemment venus se nourrir aux gargotes tenues par leurs semblables. Ou ils étaient venus tenir la rue, du moins entre la place du démarchéion et celle du théâtre : cette rue était comme une plage en hiver, où les matières plastiques rejetées par la mer semblent attendre que le sable ait entièrement disparu sous elles. L’air était merveilleusement doux, mais ce spectacle désolant n’était pas sans faire un grand froid dans le dos. Pourquoi donc sont-ils là, et de quel droit ? Que nous veulent-ils ? Que se passerait-il si cette pléthore d’autres sangs, d’humeurs et de mœurs absolument contraires aux nôtres, décidait de se soulever ? J’espère ne plus être là pour le voir, lorsque l’heure viendra. Mais je suis tout de même encore là pour voir l’état de la plage. Et d’ailleurs, la menace n’est pas le soulèvement. C’est plutôt l’effondrement, l’étouffement sous le poids de tout ce que la mer rejette sur nous, le sable. L’étouffement ? Mais on étouffe déjà ! Il y a dans l’air, et depuis tellement longtemps déjà, quelque chose d’absolument irrespirable.

 

13.VI.2024

13/06/2024, 23:42 | Lien permanent | Commentaires (0)

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