Journal du 28.XI.2023 : HORTVS ADONIDIS

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(Journal des 23 et 27.XI.2023) Bien que je n’aie pas la prétention d’être exhaustif, je crains de n’avoir pris quelque retard dans la relation de ces derniers jours. Jeudi 23 novembre était convoquée l’assemblée générale du centre d’art, dont la Galerie Fabienne était le lieu (du nom de Fabius, son fondateur, industriel et mécène local mort à la fin du XXe siècle.) Or ce n’est pas à la Galerie Fabienne que nous étions invités à nous rendre, mais dans la vaste Salle Agathée, ainsi nommée en mémoire d’Agathias, qui fut démarque d’Argos de 1962 à 1983. La veille, j’avais appris de la bouche de Philonice, avec qui ma sœur et moi avions passé la soirée (soirée d’ailleurs très arrosée), que la Galerie Fabienne menaçait tellement ruine que Stéléchion, l’actuel président, avait pris la décision de quitter notre siège historique. Ce changement était l’une des grandes annonces de l’AG : le démarque actuel, qui était d’ailleurs présent, consentait à mettre à notre disposition la Salle Agathée pour une durée de trois ans renouvelables. Ce que je n’ai pas réussi pendant les trois ans de ma présidence (je veux dire quitter la Galerie Fabienne, dont la charge était devenue bien trop lourde pour le centre d’art), Stéléchion l’a fait presque du jour au lendemain, tout simplement en en prenant la décision. Il est vrai que son conseil d’administration est entièrement renouvelé, et que n’y siège plus aucun membre ‘‘historique’’ ni aucun contemporain de Fabius, lesquels, de mon temps, considérant la Galerie Fabienne comme constitutive de l’identité de notre association, refusèrent toujours de la quitter, ce qui me causait de grandes angoisses, car rien dans l’immeuble n’était aux normes. Il y avait partout des fuites d’eaux, menaçant l’intégrité des œuvres de notre collection permanente et celles des expositions temporaires. Et je ne parle pas des morceaux de murs qui, déjà, tombaient sur le sol ! Ces mêmes fuites, ces mêmes chutes de pierres, sont désormais des prétextes tout naturels pour quitter l’endroit. Mais il est vrai qu’il pleut désormais des trombes d’eau à l’intérieur, à cause de grands trous dans les sortes de velux en coupole du plafond et c’est sur la voie publique que tombent parfois des pierres de notre façade. Il y a près de deux lustres que notre bail sui generis (d’une durée de trente ou quarante ans) est arrivé à son terme. Contre une somme annuelle modique, l’ancien propriétaire du lieu, qui était un ami de Fabius, consentait à ce que nous fussions comme chez nous dans cet ancien grenier de la minoterie de la ville. En contrepartie, nous avions presque toutes les responsabilités d’un propriétaire pour ce qui était de l’entretien de l’immeuble. Mais quand le bail est arrivé à échéance, le propriétaire avait changé : c’était désormais le fils du précédent, Versutus, vieillard dangereusement procédurier et, je crois, gravement menacé de démence sénile. Combien de fois ai-je dû l’entendre radoter sans jamais pouvoir lui montrer mon impatience, pour ne pas le froisser ni lui donner l’envie de nous nuire en plus de nous plumer ! (D’ailleurs, il nous a nui malgré tout, notamment en nous faisant un procès dont je n’ai pas le courage d’exposer la raison ce soir.) Depuis des années désormais, Versutus prétend nous laisser la responsabilité de l’entretien de l’immeuble tout en exigeant un loyer faramineux ! Eh bien ! sous ma présidence, les exigences exorbitantes de Versutus semblaient ne rien peser, aux yeux du reste de l’équipe, à côté du fait que l’immeuble était une part essentielle de l’identité de notre association ! (Ce n’est pas que je sois insensible à l’importance de l’identité, de l’histoire, etc., mais la survie même du centre d’art était alors en jeu, déjà.) Désormais pourtant, exceptées deux ou trois voix qui n’ont d’ailleurs pas manqué de se faire entendre lors de l’AG du 23, tout le monde semble s’en ficher ! À raison, d’ailleurs, car la Salle Agathée est d’un bien meilleur aloi que la Galerie Fabienne. Les plafonds y sont plus hauts et les volumes plus adaptés à l’exposition de pièces de grand format. Tout le mérite de ce changement d’adresse ne revient sans doute pas à Stéléchion. Il a bénéficié, me semble-t-il, de la mauvaise administration ou, disons, de la malchance des services du démarque pour ce qui est des affaires culturelles de la ville : je crois savoir en effet que les grands travaux de rénovation du musée ont pris du retard (il se dit même que tout n’est pas financé, ce qui me paraît bien étrange.) ‘‘L’offre culturelle’’, si l’on me permet l’emploi d’un tel jargon, s’en trouve fort réduite et pour plus longtemps que prévu, faute de salles d’exposition et parce que le premier ‘‘acteur du secteur’’ est indisponible pour l’instant. Il n’aurait plus manqué que notre centre d’art mît la clef sous la porte ! En mettant à notre disposition la Salle Agathée, le démarque donne ainsi l’impression de faire quelque chose pour la vie culturelle d’Argos, et à peu de frais ! Mais peu importent ses raisons. Grâce à lui, je me fais une joie de la tête que doit avoir Versutus à la pensée de se retrouver avec son vieux grenier sur les bras ! Comme l’un des membres du conseil d’administration était démissionnaire et que personne ne se proposait pour le remplacer, le minimum de six membres risquant de ne pas être atteint (selon une modification des statuts que j’avais moi-même fait adopter en 2017 (avant cela, le minimum était de dix)) : j’ai rejoint de nouveau le CA. Mon marasme est tel à l’approche de l’hiver que je me suis dit qu’une nouvelle implication dans les affaires du centre d’art m’aiderait à sortir de ma langueur. (Je sais bien que « les maladies de langueur ont cessé en 1914 », comme dit Alexandre à Goffredo qui lui parlait des périodes de langueur de sa sœur, dans La Sapienza, mais j’aime beaucoup la réponse que fait le jeune homme à l’architecte : « Ma sœur n’en a pas été avertie. » Quant à moi, je l’ai bien été, mais j’ai tout de même mes périodes de langueur, qui commencent en général avec l’automne et se terminent à l’annonce du printemps. Le chant des grues qu’on entend passer dans le ciel à leur départ ou leur retour en sont à peu près les bornes.) Seulement, je risque d’avoir bien moins de temps à consacrer au centre d’art que j’aurais cru, car, lundi 27 novembre, j’ai reçu un appel téléphonique de Calliste qui me proposait de revenir pour un contrat de trois mois au dicastère d’Argos, probablement de nouveau dans les services du catégore, car je prendrai sans doute la suite de Dacrya, comme je m’y attendais dès la fin de mon contrat, cet été : je l’avais d’ailleurs noté dans ce journal, le 28 juillet dernier. J’ai bon espoir que ces trois premiers mois soient suivis d’autres contrats. Quand je pense que je n’attendais rien tant, l’été dernier, que de pouvoir retrouver enfin ma liberté et la pleine jouissance de mon temps. Aujourd’hui, je serais presque heureux de retourner à cette servitude volontaire qu’est le travail rémunéré ! Mais c’est parce que plus je suis libre de mon temps, et plus le risque est grand pour moi de le dilapider en heures languissantes et mélancoliques, surtout en cette saison. Rien ne se passe comme je le voudrais. Je n’ai aucune prise sur ma vie, dont je subis entièrement le cours, qui ressemble d’ailleurs bien plus à une fuite d’eau, comme celles qui sont venues à bout de la Galerie Fabienne !

28.XI.2023

28/11/2023, 23:50 | Lien permanent | Commentaires (0)

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