(Journal du 04.V.2024) J’ai annoncé pour la première fois aujourd’hui (sur Facebook) la parution de Sonnets de guerre et quatorzains de paix. C’est un exercice dans lequel je ne me sens vraiment pas à l’aise et auquel je répugne franchement. Mais enfin, il me faut bien en passer par là. De toutes les façons, je n’ambitionne que d’avoir un lecteur. C’est assez, pour qu’une voix soit entendue. Deux lecteurs, ce serait un beau succès d’estime. Au-delà de trois, un triomphe. (D’ailleurs, mettez trois personnes autour de moi, et je me sens déjà cerné par la foule.) J’ai échangé quelques mots avec Georges de La Fuly, qui trouve que le prix de la plaquette est trop bas. Peut-être a-t-il raison, et même sans doute, car afficher un tel prix, c’est ne pas avoir de respect pour le travail des autres, le mépriser au sens propre, ne pas lui reconnaître son véritable prix, qui est probablement supérieur à celui que je donne au mien. Mais je ne peux pas envisager de demander plus pour un ensemble d’à peine dix poèmes, dont la moitié n’est pas de moi, mais traduite, transposée plutôt de l’anglais de Rupert Brooke. Je dois même confesser que ce prix, je l’aurais voulu plus bas encore. Trois drachmes, ç’aurait été parfait. Mais le coût d’impression est de 3,49 ₯ et avec la marge d’Amazon, le livre ne peut pas être vendu à moins de 5,81 ₯, hors taxes. Pour le proposer à un prix à peu près rond, taxes comprises, soit 6,20 ₯, j’ai dû me consentir un revenu de 0,04 ₯ par exemplaire vendu, alors que j’aurais préféré n’en tirer aucun argent. Mais soyons honnête, 0,04 ₯ ou rien, c’est du pareil au même, ou quasi : il me faudrait vendre mille exemplaires pour gagner 40 ₯ ! Si je voulais un si petit prix, c’est parce que je me suis amusé à donner non seulement une maison d’édition à ma plaquette, Tibia Clarisona (soit l’équivalent en néolatin du véritable nom de la chienne Psaltérion), mais aussi une collection, Canicula (petite chienne, ou constellation de Sirius, le chien d’Orion), dont la vocation est d’accueillir de tout petits textes, pour de tout petits prix (mais hélas moins petits que je l’aurais voulu.) Avec cette publication, j’ai l’impression de retomber en enfance : je joue à l’éditeur comme aux pompiers font les garçons. Ce jeu n’est d’ailleurs pas tout à fait innocent, je veux dire par là qu’il pourrait passer pour une sorte de manipulation, de ‘‘tromperie sur la marchandise’’, pour reprendre l’expression d’hier, car un lecteur étourdi risque de s’imaginer que ma plaquette a vraiment était publiée par une maison d’édition qui s’appellerait Tibia Clarisona, et donc croire que mes vers ont été réellement remarqués par un éditeur, qui les aurait jugés dignes de paraître dans sa maison, ce qui est à la fois présomptueux et déshonorant (si l’on songe à tout ce qui réussit à se trouver un éditeur, de nos jours, quand un Renaud Camus n’en a plus !) Mais je suis pris au jeu et je cherche déjà le nom de la collection qui accueillera le Testament d’Attis. Ce sera peut-être Σείριος, ou Sirius, ou Le Chien d’Orion. Je tâcherai cette fois de donner au Testament un prix plus ‘‘approprié’’, même si, pour ce livre aussi, l’idée m’en déplaît, car plus le temps passe, et plus je lui trouve de défauts. Il a tous ceux d’une première œuvre, et c’est un livre de jeunesse à plus d’un titre : il l’est non seulement pour être le premier que j’ai terminé, bien tard dans ma vie, certes ; mais encore parce qu’il est le récit de la naissance (ou de la renaissance, mettons) d’une vocation poétique ; et enfin parce qu’il contient, pour les besoins de la sorte d’enquête que j’y mène, plusieurs de mes tout premiers sonnets. Je dois confesser que ce livre me fait un peu honte : honte pour ses maladresses et son impudeur ; honte pour sa construction bizarre ; honte pour ce que j’y dis de mon passé, de ma mythomanie d’adolescent ; honte à cause du piètre séducteur que j’y fais et du méchant amant qu’il arrive qu’on m’y voie être ; honte pour le mauvais goût que j’y montre parfois, très du XXIe siècle, en y parlant par exemple pendant des strophes entières d’un petit film comme Genèse (Philippe Lesage, 2018), que j’ai beaucoup aimé, mais qui n’est tout de même pas un chef-d’œuvre ; honte pour les envolées lyriques, qui sont franchement ridicules, surtout vers la fin ; et honte, enfin, du nombre incroyable de mauvais vers que j’y laisse sans aucune retouche ! Et pourtant, je me sens profondément attaché à ce livre. Sans doute est-ce parce qu’il me ressemble. Je ne sais si j’y suis aussi sincère que je le voudrais (du moins m’y efforcé-je), cependant il me semble y paraître fidèle à ce que je crois être : un ensemble de petits et grands défauts, d’infirmités et de travers, mais qui s’équilibrent assez pour tenir à peu près debout. Ou peut-être, plus simplement, y suis-je attaché pour la même raison qui pousse un homme à tenir à soi-même : parce qu’il a le mérite d’exister.
04.V.2024
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